TFTT #7 – Un été aussi chaud qu'une carte graphique NVIDIA 🔥
Chères lectrices, chers lecteurs, j'espère que vous avez passé un bel été ! ⛱
Alors que ce dernier se termine doucement, je vais, dans ce numéro 7 de Tales from the Tech, vous proposer un résumé des actualités Tech marquantes de ces deux derniers mois. Pas de "Grand Format" ce mois-ci, donc, et un numéro plus condensé. Mais TFTT revient dès la mi-septembre avec un plus gros morceau, et quelques annonces intéressantes 👀
Bonne lecture !
Tour d'horizon des grands mouvements Tec(h)toniques de l'été 🔥
Depuis notre dernier numéro, il s’en est passé des choses, en France. Bon, notre Jupitérien Président, chantre de la démocratie, n'a toujours pas daigné nous offrir de nouveau gouvernement – ce sera pour mardi, paraît-il. Mais alors pour le reste !
La cérémonie des JO a montré que les français avaient l'esprit ouvert, n'en déplaise à nos idéologues d'extrême droite. Les sportifs français nous ont aussi gratifié d'une moisson record, dans le cadre d'un événement valorisé dans le monde entier, à peine terni par le greenwhasing de ses partenaires. Environnement justement : si les athlètes du monde entier ont enfilé les records olympiques à Paris, ce sont également les records de chaleur qui ont été battus un peu partout dans le monde, malgré l'exception cult… météorologique française. C'est le cas notamment en Sicile, où je réside. La pénurie d'eau commence à y être réellement inquiétante.
Côté tech, cela n'a pas été beaucoup plus calme. Son actualité nous permettra d'ailleurs de tisser des liens avec l'actualité politique internationale, plus largement. Je vous propose donc de faire, dans ce numéro de la (presque) fin août, un résumé de (presque) tout ce qui s'est passé dans le monde de la tech, cet été.
Commençons par une suite directe à notre dernier numéro !
Elon Musk est un weirdo 🤡
Comme nous l'avions ainsi anticipé, la tech US a finalisé cet été sa mue pleinement réactionnaire, avec la nomination du très "weird" J.D. Vance en tant que colistier de Donald Trump. Un colistier qui aura notamment pour charge de sécuriser le soutien à l'ex-futur président des US d'un de ses proches, grand magnat de la tech réactionnaire, Peter Thiel.
Autre soutien désormais acquis d'un milliardaire de la tech : Elon Musk, sans surprise. À la suite de la tentative d’assassinat contre Trump, Musk a confirmé son soutien financier, mais également logistique et idéologique, à l'aide de toute la puissance (certes faiblissante) de sa plateforme, X, ex-Twitter. Les délires de Musk auraient entraîné un nouvel exode de cette dernière, notamment au Royaume-Uni, mais qui resterait encore limité. Ce qui me permet donc de vous demander : si vous êtes encore actif sur Twitter/X… pourquoi diable ?
Dernier épisode en date de ce soutien de Musk à l'agent orange : le retour de Trump sur Twitter/X, ponctué par un live chat mené par Musk lui-même. Une discussion dans le fond particulièrement inintéressante (qui l'eut cru, être journaliste ne s'improvise pas) et techniquement complètement ratée : 40 minutes de retard à l'allumage, tout de même. Peut-être qu'avoir viré tout le monde de la boîte est un problème, finalement.
Un dernier rappel, que j'ai vu avec plaisir passer à plusieurs reprises cet été : ce n'est pas parce qu'Elon Musk est désormais officiellement le plus gros méchant de la tech que Mark Zuckerberg est devenu un gentil ;)
Cela dit, il n'y a pas besoin d'aller de l'autre côté de l'Atlantique pour constater que la (French) Tech est désormais un repaire de fascistes comme les autres. Souvenez-vous de notre cher Pierre-Édouard Stérin ! Quelques jours après la publication du numéro 6 de TFTT, voilà que L'Humanité puis Le Monde révélaient l'existence du Projet Périclès, financé par le milliardaire aux Smartboxs. Le but de cette sorte de Projet 2025 à la française ? Soutenir l'arrivée du Rassemblement National au pouvoir. Tout simplement, et tout à fait flippant.
Cela a au moins le mérite de confirmer que le profil du nationaliste, pas même patriote économiquement, est désormais connu bien au-delà de la "startup nation". Mais également qu’il n’y a pas que les "pauvres désespérés" qui votent pour le RN.
Pour résumer : en plus de quitter Twitter/X, n'hésitez pas à arrêter d'acheter des smartboxs. Attendez… il y a encore des gens qui achètent des smartboxs ?
Cet été, vous avez bullé ? Ne culpabilisez pas : l'IA en fera bientôt de même 📌
Les autres actualités tech de l'été ont surtout concerné… l'intelligence artificielle ! Il n'y a pas de surprise là-dedans : l'IA est le sujet dont tout le monde de la tech parle à tort et à travers. Souvent en ayant tort, et de travers.
L'IA, à qui l'on prête des facultés incroyables, notion clé de nombre de théories fumeuses, et qui drive des résultats boursiers délirants pour les entreprises les plus directement concernées. On évoque aussi de plus en plus ses conséquences sur l'environnement, sur le monde du travail, sur la qualité de ce que l'on trouve en ligne. On mentionne également ses dérives pour ce qui a trait au respect des droits d'auteur (ce qui n'a pas l'air de déranger tout le monde).
Mais une réalité demeure : au moment d’évoquer le mot fourre-tout "IA", le ton reste globalement enthousiaste, voire extatique, dans les sphères mainstream comme économique et technologique.
Pourtant, cet été aura aussi été le théâtre de premiers signaux intéressants, montrant que la fin de la récré va peut-être bientôt sonner. La bulle de l'IA va-t-elle bientôt faire *pop* ? N'a-t-elle pas déjà commencé à craquer ? 🫧
Pour le dire autrement : les grands enfants de la tech, après avoir essayé sans succès de nous emmener dans l'ère du Web 3 puis du métavers, ne se fourvoieraient-ils pas à nouveau, cette fois sur ce que peut réellement faire l'IA ? IA générative, IA générale, machine learning, réseaux neuronaux… toutes ces notions plus ou moins bien définies sont mélangées dans une seule entité "IA" qui ne veut pas (plus ?) dire grand-chose. À la faveur de ses imprécisions, le monde de la tech ne vient-il pas d'enfanter son plus grand mensonge, à date ?
C'est en tout cas ce que je crois, à titre personnel. Non pas que la notion d'IA n’englobe aucun concept intéressant, loin de là. Le Web 3 lui-même portait en lui des innovations intéressantes ; je suis beaucoup plus mesuré sur l'intérêt du métavers et des "innovations" afférentes, cela dit.
Mais nous donnons aujourd'hui à l'IA une importance qu’elle n’a pas, en l’état des choses. Comme je le disais, de premiers signaux viennent confirmer cette impression. Listons les ensemble, ces signaux pas si faibles.
Commençons par l'éléphant dans la pièce : les résultats financiers des deux leaders sur le sujet de l'IA. Microsoft d'abord, de par son partenariat stratégique avec Open AI – dont elle a cependant récemment quitté le CA, probablement pour sauver les apparences face aux organismes garantissant la concurrence. Nvidia ensuite, le soutien hardware principal à la vague de l'IA, sur lequel Le Monde vient de publier un long papier, résonnant des inquiétudes évoquées ici.
Premier point : les analystes financiers estiment qu'avoir tout misé sur les revenus liés à l'IA pourrait avoir un impact sur les activités traditionnelles des deux géants. Le cloud, côté Microsoft, voit notamment sa croissance habituellement exponentielle se calmer un peu.
Il n'en faut pas plus pour effrayer les places boursières ! Les deux cours se sont d'abord effondrés, bien aidés par la suite par une micro-panique économique plus large – l'une ayant probablement nourrie l'autre.
Mais je digresse : jetez plutôt un œil aux résultats ci-dessous ⬇
Les cours sont donc déjà bien remontés. Mais le premier coup de semonce est visible. Quid du prochain ? Une nouvelle baisse assez forte a été enregistrée hier, après un nouveau warning de Microsoft sur le cloud, et avant des résultats clés pour NVIDIA le 28 août. Alors qui sait.
Car le deuxième point clé est bien là : des voix de plus en plus variées commencent à se faire entendre sur le manque de revenus associé aux investissements dans l'IA. Goldman Sachs, certes pas connue pour ses capacités d'anticipation (mais pas vraiment un refuge de technophobes anticapitalistes non plus) posait ainsi la question en ces termes, le 25 juin dernier : "IA générative : trop de dépenses, pas assez de bénéfices ?" Depuis, nombreux sont les observateurs à se demander comment OpenAI va pouvoir survivre bien longtemps avec si peu de revenus au regard des investissements réalisés. Car même Microsoft va commencer à leur demander des comptes, si ses propres résultats en pâtissent.
Vous êtes gourmands, et voulez encore plus de signaux indiquant que l'IA bat de l'a.i.le ? Je vous conseille ce très bon résumé de Brian Merchant, dans sa newsletter Blood in the Machine.
L'IA ne rapporte donc pas (encore ?) d'argent. Et si en plus de cela ses capacités n'étaient pas si magiques ? Voilà notre troisième point. Car en dehors d'usages d'automatisation spécifiques, ou de promesses d'une "plus grande productivité" (dans une société qui va pourtant devoir ralentir), les retours ne sont pas formidables.
TechCrunch pose par exemple la question de l'intérêt réel des technologies d'IA générative, estimant notamment qu'elles ne sont même pas si efficaces que cela pour résumer du contenu. Ce qui constitue pourtant l'un de leur supposé point fort, dans un monde toujours plus producteur des-dits contenus. Dans un autre papier, VentureBeat évoque un déclin certain dans les progrès des modèles de language (LLM) sur lesquels se base la révolution tant attendue de l'IA. On est encore loin de la singularité, les cocos…
De manière plus globale, il est en tout cas intéressant de noter que la notion de "bulle" autour de l'IA générative et de ses dérivés est désormais définitivement adoptée par la presse grand public, du Monde à CNN.
Une fois que l'on a dit tout cela, ChatGPT reste toujours un outil plus pertinent que le cerveau de Raphaël Enthoven. Ce qui n'est certes pas un exploit retentissant.
Les vrais cool kids de la tech sont chez Proton 😎
Finissons ce petit tour d'horizon des actus tech de l'été sur une note plus technophile, une fois n'est pas coutume ! La société Proton, créée par des scientifiques s'étant rencontrés au CERN il y a près de 10 ans, a réalisé cet été une batterie d'annonces assez excitantes pour qui a envie de protéger ses données personnelles de l'appétit des GAFAM.
L'entreprise, basée en Suisse mais ayant des équipes partout en Europe et notamment en France, a annoncé la création de la Fondation Proton. Cette structure à but non lucratif, désormais actionnaire principal de Proton, représente une évolution logique pour une société qui n'a jamais placé le profit en objectif premier. Une annonce qui résonne aussi particulièrement, quand on la compare au cas OpenAI – initialement créée sous la forme d’une Fondation – que nous avions déjà documenté dans le numéro 5 de TFTT.
Dans la même lignée, Proton a également annoncé la disponibilité des documents dans son application Proton Drive. Une intégration qui permet d'avoir à disposition un authentique équivalent à Google Docs ou à la suite Office version web, et cela sans compromettre ses données, sans voir son contenu privé screené pour entrainer de l'IA, et le tout avec un meilleur niveau de sécurité.
Dernier point notable, la boîte a également mis ses services de VPN à disposition gratuitement dans une vingtaine de pays où des menaces pèsent sur la démocratie. Un geste assez classe, en cette année où la moitié du monde est appelé aux urnes. Après tout, si l’on a toujours pas de nouveau gouvernement d’ici septembre, peut-être aurons nous aussi le droit à Proton VPN gratos ? 🎉
L'équipe de Proton a aussi réalisé d'autres annonces ces derniers mois, mais je vais me contenter d’évoquer les trois précédentes. Vous seriez sinon tenter de vous demander : est-ce une publicité déguisée que vous êtes en train de lire ? Pourtant, promis, je n'ai pas été payé : je suis simplement un client satisfait. Accessoirement, il est important de parler des petits acteurs vertueux, car les monopoles, ce n'est jamais une bonne chose pour les citoyens, usagers et utilisateurs que nous sommes.
Ce ne sont pas les voyageurs bloqués par la panne mondiale du 19 juillet qui vous diront le contraire. En effet : Microsoft, Crowdstrike et leurs clients finaux se renvoient toujours la balle pour savoir qui est le vrai responsable de la plus grosse panne informatique de l'histoire.
Pourtant, à mon humble avis, nous connaissons déjà le responsable de cette "blue screen crisis" : la position quasi monopolistique de Microsoft, et le simple fait qu’un tel monopole soit possible. Comme l'explique fort justement Ed Zitron dans une newsletter publiée cet été : sans monopole sur les OS, pas de panne informatique globale liée à une erreur isolée 🧠
TFTT 1 + Bonus : Après Microsoft, puis Google, c'était au tour d'Amazon de faire parler de ses objectifs environnementaux cet été. L'autre géant de Seattle aurait en effet atteint un "objectif climatique avec sept ans d’avance." Plus précisément, celui portant sur le carbone. Amazon aurait ainsi acheté suffisamment "d'électricité propre" pour couvrir les besoins énergétiques de tous ses bureaux, datacenters, magasins et autres entrepôts à travers le monde. Et cela 7 ans avant la deadline que l'entreprise s'était elle-même fixée !
Oui mais voilà : cette affirmation est très largement contestée, y compris par les propres employés d'Amazon, comme le raconte Courrier International. On dérive même purement et simplement sur des fake news, à ce niveau, l'entreprise préférant la comm pure aux actions concrètes.
Qu'a fait l'entreprise de Jeff Bezos, exactement ? Et bien, comme le décrit fort justement la MIT Tech Review, on retrouve un bingo assez classique de l'enfumage "greenwasheux" : des achats de crédits carbone à moindre coût, une certaine "créativité comptable" visant à camoufler les chiffres les moins avantageux, et des solutions court-termistes qui ne changent en rien le modèle par nature délétère de l'entreprise. Sans oublier que comptabiliser seulement l'impact carbone d'une entreprise ne suffit pas à connaître son impact environnemental réel.
Si Microsoft et Google se sont complètement fourvoyés sur leurs propres objectifs environnementaux, notamment à cause des dépenses énergétiques majeures liées à l'IA, les deux géants ont au moins le mérite d'avoir conservé une certaine transparence sur leurs impacts. Ce n'est donc pas le cas d'Amazon.
Cela dit : venant d'Amazon, une entreprise dont l'une des spécialités reste de livrer par palettes des produits généralement trompeurs sur leur niveau de qualité, cela ne doit pas nous surprendre. D'autant que l'entreprise étasunienne a décidé de se mettre au même niveau de médiocrité de ses concurrents chinois. Il ne faudrait quand même pas laisser la concurrence faire pire que nous, en ce qui concerne notre impact environnemental et les conditions de travail de nos employés ?!
Voilà, c'est tout pour ce mois d'août, où nous aurons fait un peu plus court que de coutume ! On se retrouve ainsi le mois prochain pour un huitième numéro de Tales From The Tech.
D'ici là, n'hésitez pas à partager le format autour de vous, cela me ferait très plaisir. Et à me faire part de vos retours ! Vous pouvez le faire en commentant l'article sur tftt.ghost.io, ou directement via mes différents réseaux 🤗
Thomas 🤌
PS : Tales from the Tech est garanti sans IA, pas sans faute.