TFTT #20 â Sora 2, ou comment "inonder la zone de đ©", littĂ©ralement
Plusieurs personnes m'ont dit, aprÚs la lecture du dernier numéro de TFTT, qu'elles m'y avaient trouvé encore plus vindicatif qu'habituellement. Ce qui n'est pas peu dire.
Ces personnes, que je remercie ("feedback is gift"), avaient sans doute raison. Mais comme en plus d'ĂȘtre vindicatif, je suis aussi tĂȘtu, me voilĂ Ă leur rĂ©pondre quelques semaines plus tard que la situation actuelle a de quoi rendre sacrĂ©ment vindicatif. Et me voici Ă caler un gros mot dĂšs le titre de ce numĂ©ro 20. Quelle tĂȘte de pioche.
Qu'est ce qui me rend vindicatif ? Je ne parle pas ici du budget Lecornu ou des soutiens de Sarkozy (qui me donne envie d'en prendre un pour taper sur l'autre, certes). Nope, je parle bien, comme trop souvent, des techno-fascistes, qu'il ne convient plus désormais de nommer autrement.
Et oui, j'ai enfin reçu le livre des journalistes Nastasia Hadjadji et Olivier Tesquet (que j'évoquais le mois dernier) chez mon libraire, et cela aprÚs pas mal d'attente. Ce qui est plutÎt bon signe, je présume ?
Je ne vais pas vous en faire une analyse extensive, comme j'avais pu le faire par le passĂ© avec l'essai "VallĂ©e du Silicium" d'Alain Damasio. En tout cas pas encore đ
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Je vous dirais en revanche une chose : il va vraiment, vraiment, ĂȘtre temps que la bulle de l'IA pĂšte. Parce que je vous en parle depuis des mois et que je commence Ă fatiguer.
Il va falloir que la bulle pÚte parce l'IA générative est une forme ultime d'aliénation, imaginée par le techno-capitalisme conquérant main dans la main avec l'internationale fasciste. Une aliénation qui vient nier notre réalité commune, le peu qu'il nous reste de communs.
Il va falloir que la bulle pÚte parce nous allons toutes et tous devenir cinglé.e.s d'ici peu, dans le cas contraire. Pour preuve, le déluge de vidéos IA qui "inondent la zone de merde" depuis la sortie de Sora 2, nouvel outil vidéo de destruction massive du réel pondu par OpenAI.
Une inondation qui avait été théorisée par Steve Bannon, pour expliquer la stratégie de communication de Trump.
Tout se recoupe, symboliquement.
Explications, flashback 2019 :
Steve Bannon, ancien stratÚge de Trump, a théorisé une méthode passée désormais à la postérité via une expression : "flood the zone with shit".
Son objectif : saturer lâespace mĂ©diatique avec des polĂ©miques incessantes, vraies ou fausses, pour empĂȘcher tout dĂ©bat de fond. Citation complĂšte : "la vraie opposition, ce sont les mĂ©dias. Et la façon de les gĂ©rer, câest de les inonder de merde".
Cette stratĂ©gie est dĂ©sormais dĂ©clinĂ©e par tous les partis de droite et d'extrĂȘme-droite (est-il encore utile de faire la distinction ?) du monde, de la France Ă l'Argentine, de l'Italie au Japon. Et les mĂ©dias sont tous tombĂ©s dans le panneau.
C'est une Ă©vidence en France notamment, un effet renforcĂ© bien sĂ»r par les efforts des politiques et des milliardaires comme BollorĂ©, StĂ©rin ou Pinault â ce dernier dont on parle moins, mais il va falloir commencer Ă le faire face aux dĂ©rives du Point, dont il est le propriĂ©taire.
Nous en arrivons donc à la suite logique : aprÚs les médias, les social medias ! Voilà ce qui nous arrive désormais en plein face sur les réseaux sociaux, "grùce" à l'avÚnement de l'IA générative : slop / soupe IA qui pourrit nos feeds, incapacité à distinguer le vrai du faux, et polémiques incessantes et vides de sens.
C'est ainsi qu'il y a quelques jours, Trump, tout fĂąchĂ© par les millions de manifestant.e.s descendu.e.s dans la rue aux Ătats-Unis pour le "No Kings Day", a dĂ©cidĂ© d'utiliser l'IA pour exprimer la supĂ©rioritĂ© de son intellect.
Il a ainsi postĂ© un montage vidĂ©o rĂ©alisĂ© avec Sora 2, oĂč on le voit aux commandes d'un avion de chasse qui lĂąche... des tonnes d'excrĂ©ments sur des manifestants ?!

Voilà . Inonder la zone de merde, littéralement. Les médias du monde entier ont presque autant parlé de ce montage puéril que des manifestations regroupant des millions de personnes. Tout est dit.
Je le disais, il va ĂȘtre temps que la bulle pĂšte, pour que la hype autour de l'IA s'explose au sol et que le rejet montant de cette technologie (et des plateformes qui ne la rĂ©gule pas) continue de grimper en flĂšche.
L'avantage, c'est qu'elle va bien pĂ©ter, cette bulle. Tout le monde le dit, mĂȘme le Financial Times, et mĂȘme les banquiers. Voici ce que dĂ©clarait ainsi la Deutsche Bank fin septembre : "la bulle de l'IA est la seule chose qui maintient l'Ă©conomie amĂ©ricaine Ă flot."
La question n'est d'ailleurs pas tellement de savoir si elle va péter, mais plutÎt de quelle ampleur sera l'explosion.

Cela ne sera fera en tout cas pas sans douleur, et c'est l'économie toute entiÚre qui va en pùtir. On sait déjà que ce ne sont pas les tech bros qui vont le plus en souffrir. Comme les banquiers n'avaient pas été ceux qui avaient le plus souffert de la crise des subprimes. Le karma n'existe pas, et rien ne change.
L'autre avantage, c'est que mĂȘme si les tech bros ne seront pas ceux qui souffriront le plus de la crise Ă venir, OpenAI est tout de mĂȘme dans la panade. Si la boĂźte de Sam Altman ne trouve pas 400 milliards (de l'argent de poche, vraiment) dans les 12 mois qui viennent, elle aura de sĂ©rieux problĂšmes. Et la fuite en avant actuelle ne pourra pas continuer dans un contexte de crise Ă©tendu.
D'autant que Sora 2 coûte trÚs cher à OpenAI à chaque génération de vidéo, bien plus que des réponses à des prompts classiques, et qu'un tel outil pourrait bien précipiter la chute de l'entreprise qui crame le plus de cash de l'histoire de l'humanité.
Concluons ce laïus en évoquant une derniÚre actu autour de l'IA qui a beaucoup fait parler ces derniers jours :
"des centaines dâexperts et personnalitĂ©s, dont des figures de lâIA moderne comme Geoffrey Hinton, prix Nobel de physique en 2024, ou encore Steve Wozniak, cofondateur dâApple, appellent Ă stopper la course au dĂ©veloppement et alertent sur les dangers que ferait courir lâavĂšnement dâune IA capable de surpasser les capacitĂ©s humaines."
Comme le rappelle Irénée Regnauld, un appel quasi similaire avait été lancé il y a déjà 10 ans. Appel qu'avait déjà couvert Le Monde en ces termes, comme le raconte Irénée :
"'Des scientifiques amĂ©ricains s'inquiĂštent de l'Ă©volution de l'intelligence artificielle', dans un texte quâon jurerait rĂ©trospectivement copiĂ©-collĂ©. Ă lâĂ©poque, Stephen Hawking et Elon Musk Ă©taient aux manettes. Le Future of Life Institute est dĂ©jĂ lĂ . On sâinquiĂ©tait alors que lâIA puisse 'dĂ©passer l'humanitĂ©' (voire 'lâĂ©radiquer'), tout en convenant de ses bienfaits pour 'Ă©radiquer des maladies et la pauvretĂ©'.
Pourtant n'est-on pas là devant un éniÚme contre-feu alarmiste des tenants de l'intelligence artificielle ? C'est ce qu'exprime Mathilde Saliou :
"Un nouvel aiguillon qui nous poussent, surtout nous, europĂ©ens, Ă nous considĂ©rer en retard ? En retard sur les US et la Chine, donc « obligĂ©s » dâinvestir massivement, y compris Ă lâaide de capitaux Ă©trangers, dans un champ technologique dont la dĂ©monstration du retour sur investissements publics (et privĂ©s) nâa toujours pas Ă©tĂ© faite"
La "superintelligence artificielle", on nous la promet tous les 5 ans depuis 20 ans. Elle n'est toujours pas là , et elle n'est qu'un fantasme de geekos, rendu impossible par les simples limites énergétiques et matérielles de notre planÚte et de nos sociétés. Voilà qui rappelle les fadaises du techno-fasciste ultime, Elon Musk et ses promesses réguliÚres au fil des années d'un voyage "dans 5 ans" sur Mars.
Le risque ne réside pas, demain, dans une "superintelligence" digne d'un mauvais film SF.
Le risque, il est concret, dĂšs aujourd'hui, de voir nos sociĂ©tĂ©s imploser sous les coups de boutoir d'un fascisme techno-boostĂ©. Plus rien en commun, plus rien de vraiment vrai, plus assez de flotte dans nos verres, plus assez d'Ă©nergie pour faire tourner le chauffage au cĆur de l'hiver, plus assez de pognon pour payer les profs et le personnel hospitalier... parce que tout y sera passĂ©.
LĂ sont les vrais risques de l'IA. LĂ sont les risques du techno-fascisme.

On n'a pas mal parlé d'OpenAI et de son patron Sam Altman, encore une fois, ce mois-ci. Mais saviez-vous que ce gai luron avait désormais accÚs à du plutonium de qualité militaire ? à joie. Qu'est ce qui pourrait mal se passer ? On en parlait déjà dans l'édito du n°9 de TFTT.

Au rayon des derniĂšres dĂ©lires de la tech, l'idĂ©e d'envoyer des datacenters dans l'espace (parce qu'il y fait froid) se positionne assez haut dans le classement. C'est pourtant bien le projet d'une start-up, ainsi que le sujet d'une "Ă©tude de faisabilitĂ©" par Thales. Cocoricon. PlutĂŽt que des datacenters, j'irai bien mettre quelques entrepreneurs en orbite, je vous jure đ°
Pour Ubisoft, combattre le KKK dans un jeu vidĂ©o est dĂ©sormais considĂ©rĂ© comme "trop risquĂ© politiquement". N'hĂ©sitez donc pas Ă jouer Ă Wolfenstein II, trĂšs jouissif de ce point de vue. Bon en mĂȘme temps, câest un jeu produit par Microsoft, entreprise qui permet ce genre de choses, alors⊠"No politics in my game" đ€Ą
Le parquet de Paris ouvre une enquĂȘte sur Siri suite Ă une plainte de la Ligue des Droits de l'Homme, appuyĂ©e sur le tĂ©moignage dâun lanceur dâalerte français. Apple est suspectĂ©e dâavoir utilisĂ© des enregistrements dâutilisateurices Ă leur insu. Bon en mĂȘme temps, pourquoi s'embĂȘter Ă Ă©couter vos conversations quand tout ce que vous direz Ă Atlas, le nouveau navigateur made in OpenAI, pourra ĂȘtre retenu contre vous đ
Une enquĂȘte d'Amnesty International publiĂ© le 21 octobre dĂ©montre les effets nĂ©fastes du rĂ©seau social Tik Tok sur les ados, et annonce saisir l'Arcom en consĂ©quence. On va suivre ça avec intĂ©rĂȘt đ§
La mobilisation, et les boycotts, ça paye ! Microsoft a annulĂ© la construction d'un datacenter dans la banlieue de Milwaukee, aux Ătats-Unis, suite aux rĂ©sistances locales. Les rĂ©actions nĂ©gatives Ă des projets de ce type se multiplient ces derniers mois, aux Ătats-Unis et ailleurs đ
La super association Data For Good est en pleine levĂ©e de fond ! NâhĂ©sitez pas Ă soutenir leur super travail Ă la hauteur de vos moyens, comme je viens de le faire. Comme iels le disent : "Les technosolutionnistes accĂ©lĂšrent. AccĂ©lĂ©rons le contre-pouvoir tech citoyen" đ€
Pendant que George Miller, le rĂ©alisateur de la sĂ©rie Mad Max, dĂ©montre qu'il n'a rien compris Ă ses propres films qui ont pour toile de fond une pĂ©nurie d'eau, le Grande Guillermo del Toro explique qu'il "prĂ©fĂ©rerait mourir" plutĂŽt que d'utiliser de l'IA. The Shape of Waterđ§


J'ai eu le plaisir, la semaine derniÚre, de participer à la soirée de lancement du dernier numéro de Climax, le fanzine le plus chaud que le climat. Un numéro 9 tourné vers un sujet (le génocide à Gaza) dont le lien avec l'écologie peut ne pas sauter aux yeux, mais qui s'inscrit pourtant dans une logique politique et sociale.
De la destruction pure et simple d'une zone géographique pour la rendre inhabitable aux liens trÚs nets entre écologie et décolonisation, les connexions sont multiples.
Parmi les interventions de qualitĂ©, j'ai notamment Ă©tĂ© marquĂ© par celle du journaliste Martin LafrĂ©choux, auteur d'un article sur la Start-Up Nation originelle, Ă savoir IsraĂ«l. Dans lequel il enquĂȘte sur le rĂŽle de cobayes des gazaouis, au profit des nombreuses entreprises israĂ©liennes spĂ©cialisĂ©es dans la surveillance (des leaders mondiaux sur le sujet)... mais Ă©galement pour de nombreuses entreprises internationales, comme Microsoft.

Puisque nous parlions d'Ă©vĂ©nements, j'en profite pour conclure ce 20Ăšme numĂ©ro de TFTT en Ă©voquant l'actu d'un autre de mes projets, Lowreka â pour lequel je prends la pose rĂ©guliĂšrement ! Vous le savez peut-ĂȘtre, je suis le co-fondateur de cette entreprise qui Ćuvre Ă la dĂ©mocratisation des low-tech, des technologies douces qui aident Ă rĂ©duire notre impact environnemental.
Il se trouve que nous avons menĂ© l'Ă©tĂ© dernier une campagne de financement participatif. Pour fĂȘter son succĂšs, on vous convie Ă une "FĂȘte Low-tech" qui aura lieu Ă Paris, au Point ĂphĂ©mĂšre le 25 novembre prochain !
Au programme : une prise de parole pour vous tenir informé.es des avancées du projet Lowreka, des échanges avec l'écosystÚme low-tech de la région parisienne, de quoi boire et manger, et quelques surprises !
Si vous souhaitez m'y rencontrer et discuter (low-)tech, n'hĂ©sitez pas Ă venir y faire un tour, et le cas Ă©chĂ©ant Ă complĂ©ter ce rapide formulaire dĂ©diĂ© (ça prend littĂ©ralement 5 secondes) pour nous aider Ă prĂ©parer la soirĂ©e dans les meilleures conditions đ„ł

Voilà , c'est tout pour ce numéro 20, et c'est déjà pas mal !
On se retrouve bientÎt pour un 21Úme numéro de Tales From The Tech.
D'ici là , n'hésitez pas à partager le format autour de vous (cela me ferait trÚs plaisir) et à me faire part de vos retours (qu'ils me fassent plaisir ou pas).
Vous pouvez le faire en commentant l'article sur tftt.ghost.io, ou directement via mes différents réseaux.
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Merci Ă toutes et tous,
Thomas â
PS : Tales from the Tech est garanti sans IA générative, pas sans fautes