TFTT #BONUS : 1 an de TFTT, 12 jours de Présidence Trump… et on lâche rien ✊

Creepy AI grandma in front of a birthday cake
Immonde image générée par IA trouvée via une sinistre recherche Google

Le 1er Février 2024, il y a donc un an jour pour jour, je lançais le numéro 0 de "Tales from the Tech". Une adaptation d'un texte que j'avais écrit quelques semaines plus tôt autour de la frénésie goulue des "AI enthusiasts" et d'un de leur prophète, Yann LeCun. Je pense encore aujourd'hui que c'était l'un des meilleurs numéros de la newsletter, et qu'accessoirement il a plutôt bien vieilli.

Il faut être honnête : ce n'est pas forcément le cas de tous les numéros de TFTT. L'actualité tech, et l'actualité tout court, a été si véloce et si débilement imprévisible cette dernière année, que j'ai parfois manqué quelques coches. Il n'empêche que je suis vraiment heureux du travail réalisé, de la profondeur avec laquelle j'ai traité des sujets d'une grande variété. Je suis aussi très content d'avoir réussi à réunir près de 500 abonné.e.s autour de ce rendez-vous mensuel. Merci ❤ 

1 an. Si j'avais déjà un regard extrêmement critique sur les évolutions de la tech au début 2024, c'est sans commune mesure avec ce que nous vivons aujourd'hui. Si la trajectoire suivie par Musk est somme toute tragiquement logique, et que voir Zuckerberg le suivre rapidement ne me surprend pas vraiment du fait de ses antécédents, je ne pensais cependant pas voir toute la tech US se rouler dans la même fange avec délectation 💩

Mais nous en sommes là : le techno-fascisme est advenu.

Je ne m'attarderais pas très longtemps sur la dimension politique des 12 premiers jours de la Présidence Trump. Disons que si on s'en doutait déjà au vu du test allemand des années 30, on en a déjà confirmation : faire revenir au pouvoir un individu qui a tenté un coup d'état, ça reste une grosse idée de merde.

En 12 jours, nous aurons donc eu le droit à un paquet de saloperies, dont un salut nazi à la télé. Pourquoi Musk l'a-t-il fait ? Si je ne doute pas une seconde qu'il est un authentique fasciste du fait de ses prises de position passées et actuelles, ainsi que de son enfance imbibée d'apartheid, je pense comme certains qu'il l'a fait aussi pour une autre raison : nous prouver tout simplement qu'il pouvait faire tout ce qu'il voulait, désormais.

Son geste restant aussi une excellente manière de faire parler d'autre chose, quand les "Executive Orders" de Trump déroulent un coup de force à peine camouflé, et que celui-ci s'enrichie (virtuellement) d'une monnaie de singe qui présage d'une tentative de privatisation jusque dans la gestion monétaire (et d’un formidable moyen de corruption au passage).

4 panel comic in response to Elon Musk doing a Nazi Salute  Panel 1 Orange Guy and Purple Guy watch Musk do a Nazi Salute on a big screen Purple Guy: It’s a Roman Salute  Panel 2 Orange Guy and Purple Guy look up at giant banner featuring a picture of Musk with a tiny moustache  Purple Guy: It’s a Chaplin ‘Tache  Panel 3 Orange Guy and Purple Guy stand in front of a row of soldiers who are all Sieg Heiling  Purple Guy: It’s a Freedom Force  Panel 4 Orange Guy and Purple Guy stand in front of a row of prisoners walking into a sleek silver tunnel Purple Guy: It’s a cyber camp
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Le pire étant que Musk a raison : il peut désormais tout se permettre. Puisqu'après tout il est toujours en place, que rien n'a bougé, que l'info est déjà froide. Que certains, même, essayent de nous faire croire qu'il s'agissait d'autre chose que d'un salut nazi, en essentialisant les personnes du spectre autistique, en expliquant que c'est "la culture du troll 4Chan", ou autres nazes excuses pour éviter de dire que, oui, c'était un putain salut nazi. Comme si ce salut n'avait pas excité de manière très volontaire tout ce que le monde connaît de néo-nazis. Comme si il n’avait pas déjà été repris par d’autres psychopathes du même genre. 

"La route vers le fascisme est bordée de gens qui vous disent d’arrêter de réagir de manière excessive." (source : je n'ai pas trouvé :/) 

Les comparaisons de notre situation moderne avec 1984 ont souvent été caricaturales par le passé, mais il faut avouer qu'ici on y arrive de plein fouet. Comme le disait récemment Asma Mhalla sur la plateau de France 5 : la liberté d'expression est un concept qui a été complétement "arsenalisé", il est devenu une arme de guerre idéologique, qui mène à une inversion complète des définitions.

Liberté d'expression = liberté d'insulter, de dénigrer, de harceler
Modération = "Censure"

Finalement, comme elle le dit, la devise Orwellienne "L'ignorance, c'est la force" serait parfaite pour définir le mouvement MAGA.

La grosse tête de Big Brother projetée devant la foule / La grosse tête de Musk projetée devant la foule
Post sur Bluesky

Bon, tout ne va pas si bien dans le petit monde des Trusk. Beaucoup de commentateurs pensent que cette "provocation" du salut nazi en plein meeting d'investiture colore très nettement le début de la présidence Trump, et peut donner un coup de fouet à certains, en Europe notamment, en réponse. J'apprécie particulièrement ce qui a été projeté sur l'usine Tesla de Berlin peu après cela. Tout le monde n'oublie pas ses leçons d'histoire.

Surtout, la manne financière de Musk, aussi gigantesque soit-elle, n'est pas intarissable. Les ventes de Tesla sont en berne, notamment à cause du profil sulfureux de son boss, et le Cybertruck est un flop très réel.

Du côté de TwiXtter, ça n'est pas mieux : Musk l’a avoué lui-même dans un mail interne qui a été leaké, la boîte est "à peine rentable, la croissance d’utilisateurs est stagnante, les revenus sont peu impressionnants". Ce que Musk a évidemment démenti depuis… et je pense qu’il a bien fait : si l’on en croit les informations statistiques qui sortent par ailleurs, la nouvellement nommée X perd plutôt très clairement de l’argent, et le nombre d’utilisateurs (global et actifs) et en nette baisse 🤗

Reste Space X, mais vu les ambitions marsiennes de Musk et Trump, perso je pense qu'on va plus rigoler qu'autre chose (sauf du point de vue de l’impact environnemental, évidemment). Lu chez Libération : « La perspective martienne n’offre rien d’autre qu’une vie souterraine, un retour aux cavernes sur un astre mort pour quelques élus condamnés aux métastases par les radiations solaires. (…) Une pulsion de mort inhérente à l’esprit fasciste. »

Image de Musk en plein salut nazi, projetée sur son Usine Tesla à Berlin, ajoutant un très vintage "Heil" devant Tesla.

Stargate vs. DeepSeek

Une autre épine est venue se planter dans le pied des premiers jours de la Présidence Trusk, et elle vient de Chine.

Le 21 janvier était ainsi annoncé en grandes pompes "Stargate", un délirant plan de financement à hauteur de 500 milliards en faveur du développement de l'IA made in USA, soutenu par des joyeux lurons comme Sam Altman et Larry Ellison.

C'est ce qu’essaye de raconter de manière parcellaire un très mauvais article du Monde qui m'a presque donné envie de me désabonner, très franchement. Comme je l'expliquais il y a peu dans un post plus long sur le sujet, cet article manque de tout :

  • aucune mention du terrible impact environnemental du développement de ChatGPT
  • aucune critique des hypothétiques ambitions nucléaires "portables" sous-jacentes
  • aucune référence aux mensonges à répétition de Sam Altman pour maintenir Open AI à flot, malgré des pertes records et toujours aucun bénéfices
  • aucune référence, enfin, au profil plus que sulfureux d’Ellison

Le plus drôle dans tout ça restant la grosse clim' balancée sur cette annonce "Stargate" par une petite boîte chinoise jusque-là inconnue : DeepSeek.

Alors ce n'est pas moi que vous allez voir se réjouir de l'arrivée d'un nouvel acteur de l'IA générative, surtout en provenance d'un pays comme la Chine. Mais la situation a de quoi faire sourire.

Parce que DeepSeek a montré que, en délivrant des résultats "de qualité" (tout est relatif quand on parle d'IA générative) avec très peu de moyens, les investissements délirants d'OpenAI sur le sujet n'étaient absolument pas justifiés. L'action Nvidia a ainsi plongé comme jaja dans la foulée, et l'image du "prophète" Sam Altman a été sacrément écornée. Ne boudons pas notre plaisir, ma foi, et si OpenAI pouvait voir son pouvoir largement diminué dans l'opération…

Surtout, on assiste à une illustration extrêmement drôle de l'expression "l'arroseur arrosé". Et oui, OpenAI, symbole du vol de toutes les données et œuvres présentes sur le web sans rétribution aucune se retrouverait dans la situation du volé ! Altman serait en effet furieux car il estime que DeepSeek aurait utilisé son modèle sans autorisation pour entrainer son propre modèle. La douce ironie.

Post sur Bluesky : « C'est le titre d'article de l'année (pour le moment) : "OpenAI est furieux parce que DeepSeek pourrait avoir volé toutes les données qu'OpenAI nous a volées" »

Bon, maintenant qu'on a dit ça, je ne suis donc pas particulièrement enthousiaste à l'issue de toute cette séquence médiatique. Je ne crois pas du tout que DeepSeek et son développement moins gourmand en énergie va calmer notre fuite techno-énergétique en avant. Déjà parce que Trump va vouloir justifier son plan à 500 milliards. Et puisqu'à caler de l'IA partout, l'impact sera de toute façon gigantesque. Surtout que l'Europe, dans sa légitime course pour garder son indépendance entre les deux géants américain et chinois, va sûrement mettre les bouchées doubles, même s'il est peut-être déjà trop tard.

Disclaimer habituel me concernant quand j'évoque le sujet de l'IA : tout n'est pas à jeter dans son développement sous des formes variées, mais je reste intimement persuadé que tous les gains associés à ce développement ne seront rien par rapport aux problèmes qu'il engendrera, qu'ils soient environnementaux, politiques, sociétaux… Nous ne mesurons qu'à peine les premiers effets rebonds.

Une dernière note, pour boucler sur les différents sujets évoqués dans ce court laïus, et que j'insérais il y a peu dans un post sur cette horrible entreprise qu'est devenue Spotify : vous ne me retirez pas de l'idée qu'être un "AI enthusiast" et s’accommoder aisément du fascisme sont deux particularités qui semblent particulièrement bien se marier.

La déshumanisation de tout est après tout un crédo commun à ces deux visions. Et quand je repense à mon parallèle avec "La Zone d’Intérêt" dans l’édito de notre dernier numéro, je me dis que je tiens peut-être quelque chose, décidément…

Bref : je suis déjà fatigué par cette année 2025 alors que nous ne sommes que le 1er février. Mais on ne lâche rien !

On repart pour un an de TFTT, car je pense que l'analyse techno-critique est plus importante que jamais. Et parce que j'espère apporter ma pierre, aussi petite soit-elle, à l'édifice.

Une analyse techno-critique qui se doit de proposer d’autres modèles de société et de développement, davantage tournés vers l’humain que vers la croissance à tout prix, la performance à tout crin. Low-tech plutôt qu’high-tech, humain plutôt que machine.

Encore un grand merci à tous ceux et celles qui se sont inscrits au court de l’année 2024. Également un (encore plus) grand merci à ceux et celles qui ont fait le choix de soutenir financièrement "Tales from the Tech". C’est un très beau cadeau d’anniversaire, en quelque sorte. Vous ne soutenez pas encore TFTT ? Vous pouvez le faire en "consultant vos abonnements" juste ici 🤗

Sur ces entrechats, rendez-vous pour le numéro 13 de TFTT d’ici la fin de ce court mois de février.

Je vous embrasse, prenez soin de vous, et No Pasarán ✊

Thomas.

PS : Tales from the Tech est garanti sans IA, pas sans faute.