TFTT #19 – Vous allez enfin voir le monde comme un tech bro 👓

Parodie d'une pub de Meta AI : "AI glasses to finally see the world like a tech bro"


Ce mois-ci dans Tales from the Tech, on va se... disperser ?

En ce début octobre, nous parlerons ainsi de "lunettes IA", de "techno-fascisme", des reculs de Microsoft, ou bien de nouvelles études sur l'impact environnemental de l'IA.

Mais d'abord, en préambule, quelques mots plus personnels :

En cette rentrĂ©e, j'ai en effet relancĂ© un projet qui traĂźne sur mes Ă©tagĂšres depuis bien trop longtemps : j'ai repris l'Ă©criture d'un bouquin qui me trotte dans la tĂȘte depuis 2 ans, au bas mot.

On dit souvent que parler d'un projet que l'on n'est pas sûr de finir, c'est transformer ledit projet en dette. Mais je crois que c'est ce dont j'ai besoin pour avancer enfin : faire de ce projet quelque chose de concret, en parler autour de moi, pour enfin mettre le coup de collier qu'il faut et le finaliser en 2026.

Ce bouquin, ce sera un roman ; il y a des gens bien meilleurs que moi pour Ă©crire des essais, nous en parlerons un peu plus bas. Cette fiction Ă©voquera de maniĂšre dĂ©tournĂ©e mon expĂ©rience dans les boĂźtes de la tech, les dĂ©lires de la start-up nation auxquels nous sommes habituĂ©s aprĂšs 8 ans d'Ăšre Macron... mais aussi, figurez-vous, de curry rouge et de Fernand de Magellan – en Ă©cho aux dĂ©buts de cette newsletter ?

Nous verrons bien si un jour quelqu'un souhaitera le publier quelque part. Mais au pire des cas, je vous le partagerai Ă  vous, cher.e.s abonnĂ©.e.s đŸ€—

D'ici lĂ , et mĂȘme si mon temps n'est pas extensible, ma newsletter Tales from the Tech va continuer Ă  vivre. Peut-ĂȘtre Ă  un rythme diffĂ©rent, peut-ĂȘtre dans des formats qui changeront avec le temps. Je ne ferme aucune porte, et serai toujours preneur de vos retours.

En attendant, voici un numéro 19 en forme de best-of (ou de "worst-of", plutÎt) de ces derniÚres semaines complÚtement folles dans le fùcheux monde de la tech.


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GrĂące aux "lunettes IA", vous allez enfin voir le monde comme un tech bro

Comme je l'ai lu trÚs justement sur Bluesky il y a quelques jours : "la tech en a rien à foutre du consentement et reviendra te proposer les produits que tu as déjà refusé, encore et encore".

Voilà qui condense bien ce que l'on est en train de nous servir avec les "lunettes boostées à l'IA", nouvelle resucée des lunettes connectées chÚres aux gros de la tech, qu'ils n'ont pourtant toujours pas réussi à rendre cool, bien au contraire.

DerniÚre offensive de la tech pour vous coller un truc sur la tronche : Zuckerberg et Meta ont dévoilé le 17 septembre une série de nouvelles lunettes à réalité augmentée, dont ce qu'ils ont présenté comme les "premiÚres lunettes IA haute résolution", capables de projeter une image directement sur le verre droit, les Ray-Ban Display. Une paire disponible depuis quelques jours aux Etat-Unis pour la modique somme de 800$. Par bonheur aucune sortie n'est prévue en France pour le moment.

Le Monde résume assez bien le ressenti général à ce stade, dans un article publié le lendemain des annonces :

"Reste la question de l’utilitĂ© : que permettent-elles de faire mieux qu’un simple smartphone, dont nous sommes dĂ©jĂ  Ă©quipĂ©s ? Envoyer des SMS, passer des coups de fil, se diriger par GPS, traduire des conversations en les sous-titrant, rĂ©pond Meta
 tout « en restant pleinement prĂ©sent, et en conservant les mains libres », argue son communiquĂ© de presse [...] Les Ray-Ban Meta permettent encore de communiquer avec l’intelligence artificielle Meta AI."

"Rester pleinement présent" avec cette saloperie collée sur le nez, alors que maintenir une conversation de plus de 5 minutes sans qu'une des personnes incluses ne jette un oeil à son smartphone tient déjà de l'exploit ! On a envie de s'esclaffer tristement...

Sur le lien avec Meta AI, notez que ce n'est pas une nouveautĂ©, puisque cela serait simplement une version "plus fluide" d'une fonctionnalitĂ© dĂ©jĂ  disponible avec le prĂ©cĂ©dent modĂšle de lunette similaire, commercialisĂ©e en 2023 par l'entreprise, et Ă©coulĂ©e Ă  plusieurs millions d'exemplaires ; ce qui est Ă  la fois peu pour un objet poussĂ© par une entreprise d'une telle ampleur, et beaucoup trop quand on considĂšre son intĂ©rĂȘt.

Ces lunettes sont peut-ĂȘtre "smart", mais elles ne vous donnent pas l'air intelligent (Manuel Orbegozo/Reuters)

Alors, pourquoi les tech bros n'arrivent-ils pas à rendre ces objets cools, malgré des dépenses faramineuses en R&D et en marketing ?


Primo : parce que les dĂ©mos ne se passent jamais comme elles devraient, ce qui est rarement bon signe. Ce fut encore le cas ce 17 septembre, puisque que comme le raconte Futurism, cette confĂ©rence MetaConnect 2025 a vite sombrĂ© dans le chaos : les dĂ©monstrations prĂ©vues par Zuckerberg ont Ă©chouĂ© Ă  plusieurs reprises, provoquant regards gĂȘnĂ©s, silences assourdissants et rires Ă©touffĂ©s au sein du public, comprenant un large parterre de journalistes tech du monde entier. Oupsie.

Une confĂ©rence contenant un bon paquet de moments dĂ©jĂ  cultes, et qui confirment ce que l'on savait dĂ©jĂ  : cette tech est loin d'ĂȘtre prĂȘte, ce qui n'empĂȘchera sans doute pas des milliers de "AI enthusiasts" en doudounes sans manche de se jeter dessus parce qu'ils ont visiblement trop d'argent (et qu'il faut donc de toute Ă©vidence les taxer davantage).


Deuxio : parce que de plus en plus de monde sait bien dĂ©sormais les questions que cela pose du point de vue de la vie privĂ©e. Perso, je supporte dĂ©jĂ  de moins en moins quand des gens filment ou prennent des photos dans ma direction dans un lieu public, avec un simple tĂ©lĂ©phone
 alors imaginer qu'un mec (oui, il est Ă©crit Ă  99% que ce sera un homme) assez stupide pour se coller ça sur le nez puisse me filmer Ă  mon insu sans que j'en sache rien, puisque la camĂ©ra et les actions de l'utilisateur sont gĂ©nĂ©ralement invisibles pour les gens autour !?

Accessoirement, on parle ici de Meta, une boßte qui s'est littéralement construite sur la violation de notre vie privée à toutes et tous, de ses origines jusqu'à aujourd'hui, en passant par le trop vite oublié épisode Cambridge Analytica.

TrĂšs concrĂštement, si un mec avec des lunettes Meta vissĂ©es sur le nez rentre dans un bar, et que votre serviteur y est sagement posĂ© Ă  siroter un cafĂ© ou une biĂšre, je lui demanderai gentiment de les enlever, ou l’un de nous devra sortir de la piĂšce. "Tu sors, ou je te sors, mais va falloir prendre une dĂ©cision", comme on dit en Belgique đŸ€—


Tertio : parce que les gadgets tech qui couvrent le visage, aussi discrets deviennent-ils avec le temps, ne se sont jamais suffisamment vendus jusqu'ici. Les Google Glass ont été un échec retentissant, les casques de réalité virtuelle prennent la poussiÚre, et l'Apple Vision Pro est déjà oubliée, avant sans doute une prochaine offensive de la boßte de Tim Cook.

Or l'objectif assumĂ© du Zuck est de remplacer les smartphones avec ses lunettes, Ă  terme. Pour y parvenir, il faudra d'abord faire disparaĂźtre des usages dĂ©sormais ancrĂ©s plus que profondĂ©ment, comme le rappelle le correspondant des Échos Ă  San Francisco, en prenant l'exemple du selfie.

Je crois surtout que se coller un objet sur le visage rebutera toujours plus que de glisser un truc dans sa poche. C'est une forme de sĂ©paration ultime avec le rĂ©el, un form factor (le format d'appareil) qui fait peur et inspire des histoires et images effrayantes aux auteurs et autrices de science-fiction depuis des dĂ©cennies, lĂ  oĂč placer une petite dalle tactile dans le creux de nos mains paraĂźt bien anodin en comparaison. C'est d'ailleurs ce qui rend l'emprise de nos smartphones si insidieuse.

La dimension repoussoir de ce form factor est d'autant plus forte quand on la charge de l'appellation "IA", notion floue qui passionne autant qu'elle effraie. Ben oui, imaginez deux secondes avoir sur le nez un outil qui permette de diffuser du texte et du contenu, Ă  l'aune d'une Ă©poque formidable oĂč il devient de plus en plus difficile de distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux, entre ce que vous raconte des chatbots hallucinĂ©s et les fake vidĂ©os avec lesquelles on nous bombarde...

Rappelons-le : les boßtes de la tech visent à la destruction des communs pour nous isoler et nous transformer en consommateurs constants de "contenus", que nous quittions le moins souvent leurs "plateformes" et leurs "écosystÚmes". Pouvoir physiquement influencer notre vision, voilà le coup final d'une partie d'échec bien vicelarde.


Nous saurons sans doute rapidement si nous basculerons dans un tel monde ou si ces nouveaux dispositifs optiques se planteront comme leurs prédécesseurs. Mais alors que la ligne "techno-fasciste" qui se dessine aux US se clarifie plus que jamais, espérons que les réactions épidermiques face aux innovations tech mÚneront à des levées de boucliers de plus en plus intenses.

Note finale : je ne peux m'empĂȘcher d'avoir une pensĂ©e pour les gĂ©nies de Ray Ban, qui, en s'associant Ă  ce gĂȘnant de Marc, vont peut-ĂȘtre bien transformer leur marque, icĂŽne du cool, en un truc has been Ă  souhait đŸ€ž

La pub originale, titrant "For living in the moment"... pour vivre l'instant prĂ©sent, en substance. Comment peut-on vivre l'instant prĂ©sent quand on a l'oeil droit tordu vers un Ă©cran au creux mĂȘme de ses lunettes ?! Quelle fumisterie.

PS : je suis obligé de vous partager en bonus le post sorti hier par Data for Good, qui complÚte parfaitement cette chronique !

Le “techno-fascisme” : menace pas si fantîme

La rentrée littéraire n'est pas loin, et un livre fait l'actualité dans le petit monde des techno-critiques français... mais aussi bien au delà !

"Apocalypse Nerds : comment les techno-fascistes ont pris le pouvoir" est co-écrit par les journalistes Nastasia Hadjadji et Olivier Tesquet, dont j'ai déjà partagé le travail à plusieurs reprises. Et il sort au meilleur (au pire ?) des moments, tant il résonne avec ce que nous vivons actuellement.

Le pitch de cet essai :

"Et si la Silicon Valley, longtemps perçue comme un bastion progressiste, Ă©tait devenue le laboratoire d’une rĂ©volution autoritaire Ă  l’échelle planĂ©taire ? Nourris par d’obscurs penseurs Ă©tourdis de rĂȘves fascistes ou monarchiques, des milliardaires de la tech appellent Ă  la mort de l’État-nation et prophĂ©tisent la fin des dĂ©mocraties libĂ©rales."

Je pense que la question est vite répondue comme le disait un philosophe, m'enfin gageons que ce livre l'expliquera avec moults exemples et exposés qui risquent de me tendre mais surtout de me passionner.

Vous l'aurez compris : je ne l'ai pas encore lu ! J'attends la réception de ma commande dans ma librairie de quartier comme si c'était noël en octobre. On s'en reparle prochainement. En attendant, vous pouvez écouter l'épisode du super néo-podcast Propagations qui accueillait Nastasia et Olivier le 9 septembre dernier.

Cette fĂ©brile attente d'une lecture passionnante ne va pas nous empĂȘcher de faire le pont avec l'actu outre-atlantique : le rapprochement entre les milliardaires de la tech et les trumpistes ne fait plus aucun doute, comme le rappelle cette revue de presse de France Culture en date du 13 septembre, avec l'excellent Olivier Alexandre au micro.

On y entend Tim Cook, le patron d'Apple, s'y rĂ©pandre en compliments pour son nouveau maĂźtre, tandis que Zuckerberg donnait lui des chiffres d'investissement au hasard complet pour faire plaisir Ă  Trumpy. MĂȘme le pseudo "good guy" de la tech, Bill Gates, Ă©tait de la partie. AprĂšs tout, Trump et lui se sont probablement croisĂ©s sur l'Ăźle d'Epstein, alors ça doit leur rappeler des souvenirs du bon vieux temps.

Trump et ses nouveaux copains Zuck et Gates, à un dßner aprÚs avoir participé à la réunion d'un groupe de travail sur "l'éducation à l'intelligence artificielle", le 4 septembre. Rassurant. (AFP - Alex Wong)

On peut aussi faire le parallĂšle avec l'actualitĂ© jeux vidĂ©o, qui n'est plus qu'une autre verticale "entertainement" pour la tech. L'un des derniers grands Ă©diteurs indĂ©pendants de l'industrie est ainsi en passe d'ĂȘtre rachetĂ© Ă  hauteur de 55 milliards de $ par le fonds public d’investissement d’Arabie Saoudite et Affinity Partners, la boĂźte du genre de Trump, Jared Kushner. L'objectif : virer un max de monde et foutre de l'IA partout, de l'aveu mĂȘme du PDG, Andrew Wilson, qui restera en poste pour finir son entreprise de destruction massive. Une actu en forme de melting pot de mots peu ragoĂ»tants, que vous rĂ©sume toujours aussi bien Gauthier Andres alias Gautoz chez le mĂ©dia spĂ©cialisĂ© jeu vidĂ©o, Origami.

Trump et les techno-capitalistes, c'est une affaire qui roule, on n'est pas surpris. Mais quid des Démocrates ?

On pourrait parler de ce qu'il se passe Ă  New York, oĂč Trump aimerait faire dĂ©porter le favori surprise Ă  l'Ă©lection municipale et grand pro des rĂ©seaux sociaux, Zohran Mamdani. Mais intĂ©ressons nous plutĂŽt au berceau de la Silicon Valley, sur la cĂŽte opposĂ©e des États-Unis.

Le gouverneur de la Californie, Gavin Newsome, pourrait en effet rapidement nous donner des signaux trÚs clairs quant à sa façon de traiter avec les GAFAM et consorts. Celui-ci doit décider trÚs prochainement s'il donne son accord ou son veto à plusieurs projets de lois destinés à encadrer un tant soit peu l'industrie du numérique, et principalement le développement de l'IA, générative et autres.

Ce qu'explique avec une grande clarté la derniÚre newsletter de Brian Merchant :

"Ces projets de loi ne sont pourtant pas radicaux. La plupart sont des mesures simples et sensĂ©es, auxquelles seuls des libertariens purs et durs pourraient s'opposer. Il s'agit, par exemple, de lois qui garantiraient qu'une IA ne pourrait pas ĂȘtre utilisĂ©e pour sanctionner ou licencier des employĂ©s.
[...]
Ne vous méprenez pas : la Silicon Valley ne souhaite voir adopter aucun de ces projets de loi, et son armée de lobbyistes a déjà réussi à en affaiblir ou bloquer beaucoup, notamment un projet de loi intéressant qui limitait les possibilités de surveillance des travailleurs par l'IA, ou encore un autre qui garantit la supervision humaine des véhicules de livraison sans conducteur. Ces projets de loi ont été classés comme « bisannuels », ce qui signifie qu'ils seront réexaminés l'année prochaine.
C'est un moment crucial. Si mĂȘme des lois basiques comme celles-ci ne pouvaient ĂȘtre adoptĂ©es, cela confirmerait une chose : Gavin Newsom prĂ©parant actuellement sa future candidature Ă  la prĂ©sidence des États-Unis, il ne veut pas contrarier la Silicon Valley et ses riches donateurs. Cela nous montrerait que, mĂȘme dans une Californie supposĂ©ment progressiste, l'emprise de la Silicon Valley est devenue presque indestructible, ce qui n'augure rien de bon quant aux espoirs futurs de soumettre un jour les gĂ©ants de la technologie Ă  quoi que ce soit ressemblant Ă  une dĂ©mocratie."

Personnellement, je n'attendaiss rien de bon de Gavin Newsom depuis que j'ai constaté la nature de ses méthodes de communication en ligne.

Maintenant que l'on a dit tout ça, une bonne nouvelle vient de tomber : Newsom a annoncé cette semaine une premiÚre loi pour encadrer et demander de la transparence autour du développement de l'IA au niveau Californien. Alors qui sait ? On croise les doigts.

Mais, depuis le temps, je pense qu'il faut arrĂȘter d'imaginer que la solution Ă  nos problĂšmes technologiques viendra du pays mĂȘme qui en a créé une bonne majoritĂ©. L'Europe doit se rĂ©veiller, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres.

Exemple de communications, AI & Trump-compatibles, utilisées par Newsom sur ses réseaux. PS : elle est chelou cette pelle. Source.

Vous me direz, en France, c'est mal parti, mĂȘme Ă  "gauche" : saviez-vous que la nouvelle porte-parole du Partie Socialiste n'est rien de moins que... salariĂ©e de Palantir, la boĂźte de surveillance du techno-fasciste en chef, Peter Thiel ? La boĂźte copine de la NSA, celle qui vend des logiciels Ă  l'ICE pour chasser les migrants dans l'AmĂ©rique de Trump, celle que plusieurs armĂ©es utilisent pour cibler leurs attaques de drones ?! Ce serait drĂŽle si ce n'Ă©tait pas dramatique. Bonne tribune sur le sujet ici. PrĂ©cisons que son porte-parolat est centrĂ© sur les questions d'IA. De lĂ  Ă  dire que par consĂ©quent, ça devient cohĂ©rent...

Allez, finissons sur une note positive Ă  propos des techno-fascistes bien de chez nous : sachez que ça ne va pas hyper bien pour Pierre-Édouard StĂ©rin, le milliardaire nationaliste exilĂ© fiscal et argentier de l'extrĂȘme droite française ! Bon, dĂ©jĂ , il commence Ă  ĂȘtre bien connu dans la sphĂšre mĂ©diatique française, et ses attaques de mauvais goĂ»t ne passent plus inaperçues.

Surtout, le dangereux zigoto serait Ă  court de cash : manque de liquiditĂ©s, changements de gouvernance et structure fragile de son groupe Ă  multiples tĂȘtes, autant de problĂšmes qui Ă©branlent les ambitions politiques du gus. Ben oui, Pierre-Édouard, tu aurais mieux dĂ» continuer Ă  financer des startups de la tech en catimini en continuant Ă  vendre tes smartboxs đŸ’© plutĂŽt que de l'ouvrir trop grand ! DĂ©solĂ© pour la violence, mais vraiment : ça fait du bien.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je trouve qu'il est difficile de trouver une plus belle tĂȘte de gland que ce bon vieux Pierre-Édouard

Microsoft cĂšde, par deux fois... mais craint toujours

En quelques jours, Microsoft aura donc cédé par deux fois.

Sur ses liens avec l'armée israélienne, d'abord. Liens dont nous avions déjà parlé ici avant l'été. Le 25 septembre, l'entreprise a ainsi annoncé dans un communiqué avoir "cessé et désactivé un ensemble de services destinés à une unité du ministÚre israélien de la Défense", comme le rapporte cet article de Cassim Montilla pour Frandroid. Son Président, Brad Smith, en profite pour faire amende honorable, avec une sincérité dont on pourra douter, mais admettant en tout cas que les révélations successives de plusieurs médias, dont The Guardian, sont authentiques.

The Guardian qui confirme d'ailleurs que les quelques 8000 To de données stockées par l'armée israélienne sur les serveurs de Microsoft ont été migré dÚs août... probablement vers les Amazon Web Service, ce que l'autre géant de Seattle a refusé de confirmer à ce stade. Rien ne se perd, tout se transforme.

En tout cas, Microsoft, de son cĂŽtĂ©, aura peut-ĂȘtre entendu raison aprĂšs des mois de tensions en interne et d'appels au boycott en externe. À moins, comme certains esprits chagrins ne le notent, que Microsoft ait simplement perdu une remise Ă  plat de l'appel d'offre ? Quel mauvais esprit 😇

L'autre sujet pour lequel MS est dans la sauce, c'est la fin du support de Windows 10 : et oui, dĂšs le 14 octobre prochain, Microsoft devait arrĂȘter le support logiciel de son OS datant de 2014. Alors que l'entreprise avait auparavant parlĂ© d'une fin de support pure et simple, pour mettre en avant le nouveau venu Windows 11 (qui n'est franchement rien de plus qu'une skin visuelle), elle a tout de mĂȘme jouĂ© les bonnes poires en annonçant tout aise qu'il y aurait une solution... payante !

En effet, pour continuer Ă  utiliser Windows de maniĂšre sĂ©curisĂ©e, les utilisateurs et utilisatrices auront finalement deux possibilitĂ©s : passer Ă  la caisse pour acheter un ordinateur rĂ©cent compatible avec Windows 11, ou payer pour continuer Ă  recevoir des mises Ă  jour de sĂ©curitĂ© sur Windows 10 ! Quel choix, la chance ! On sait pertinemment qu'une majoritĂ© de particuliers comme d’organisations ne penseront pas aux alternatives libres Ă  Windows, et ne voudront ou ne pourront pas prendre en charge les frais demandĂ©s par Microsoft, entraĂźnant des failles de sĂ©curitĂ© massives ainsi que la potentielle obsolescence de prĂšs de 400 millions d’appareils.

Et surtout pensez à acheter reconditionné, hein.

Bon, cela dit, en bon prince, Microsoft a Ă©galement cĂ©dĂ© sur ce sujet... si l'on peut dire. Et c'est notamment par la France que c'est arrivĂ©, grĂące Ă  l'excellent travail de la bien nommĂ©e association "Halte Ă  l’Obsolescence ProgrammĂ©e". Elle avait ainsi contactĂ© par courrier officiel Microsoft en juin dernier. Elle a enfin reçu une rĂ©ponse, offrant "un an de sursis gratuit" pour les mises Ă  jour de sĂ©curitĂ©. Sauf que, comme le relate un article de BFM : l'obtention de l'annĂ©e de sursis est communiquĂ©e en catimini, ne concerne que les particuliers, et demande de se connecter avec un compte Microsoft, ce qui est gageure en soit quand on connaĂźt les interfaces de la boite, mĂȘme pour qui sait gĂ©rer correctement un PC.

Et puis : pourquoi seulement un an ? Microsoft ne fait pas assez de thunes pour se permettre de continuer les updates de sécurité ? Ce n'est pas comme si la boßte pesait 3 800 000 000 $ en bourse, c'est vrai. (Oui je sais Arthur Mensch, les parts sociales et les valeurs boursiÚres, ce ne sont pas du cash, du coup tu ne peux pas payer la taxe Zucman, pauvre loulou).

En neuf mot comme en cent : Microsoft a cĂ©dĂ© deux fois, mais craint toujours autant đŸ™…â€â™‚ïž

Page d'accueil du site de l'asso Halte à l'Obsolescence Programmée

Des billes pour répondre à cette idiotie : "non mais Netflix ça consomme plus que ChatGPT"

Cet été, je disais mon incompréhension (ici et sur Linkedin) face à l'utilisation de l'IA générative par des militants, organisations et médias que l'on pourra qualifier "d'écolos". Parce que parmi beaucoup d'autres questions, l'IA générative pose notamment le problÚme de son impact environnemental.

Deux choses se sont alors imposées comme évidentes suite à une variété de retours :

1/ beaucoup de gens partagent mon avis mais ont du mal à avoir les données qui leur permettent de soutenir ce point

2/ beaucoup d'autres, pourtant engagĂ©s, n'ont pas en tĂȘte le problĂšme environnemental que pose l'IA.

Par chance, les individus trĂšs solides que sont Lou Welgryn et ThĂ©o Alves Da Costa ont publiĂ© un ÉNORME papier sur le site du mĂ©dia Ă©colo Bon Pote. Il rĂ©sume ce que l'on sait aujourd'hui de l'impact de l'entraĂźnement et de l'utilisation des IA gĂ©nĂ©ratives, et surtout ce que l'on ne sait pas ! Car les entreprises derriĂšre les diffĂ©rentes solutions d'IA gĂ©nĂ©rative se gardent bien de rĂ©vĂ©ler en dĂ©tail ce qui se passe sous le capot... ce qui reste en soit un signal assez clair.

Sur ce point spécifique, citons donc l'article publié chez Bon Pote :

"A noter que pendant l’étĂ© 2025 ont Ă©tĂ© publiĂ©s par Mistral et Google deux Ă©tudes pour documenter pour la premiĂšre fois quelques impacts environnementaux d’une requĂȘte “mĂ©diane” faite sur leurs IA grand public. Cependant ces Ă©tudes sont intentionnellement sĂ©lectives et ne donnent pas assez de dĂ©tails pour permettre de comparer et comprendre les impacts tout en dĂ©tournant l’attention des impacts globaux cumulĂ©s en mettant en valeur les gains d’efficacitĂ© et en sur-responsabilisant les individus.
En rĂ©sumĂ©, en 2025, mĂȘme s’il est possible d’obtenir des approximations, nous ne connaissons pas la consommation Ă©lectrique d’une requĂȘte sur ChatGPT, de la gĂ©nĂ©ration d’une image studio Ghibli ou d’un starter pack. Comme le rĂ©sumait Sasha Luccioni pour Wired : “Cela me sidĂšre qu’on puisse acheter une voiture et connaĂźtre sa consommation au 100 kilomĂštres, mais qu’on utilise tous ces outils d’IA tous les jours sans avoir la moindre mesure d’efficacitĂ©, aucun facteur d’émission, rien.”

Personnellement j'insisterai donc sur ce que l'on sait de maniĂšre macro, puisque c'est une galĂšre d'obtenir les chiffres micro :

  • la consommation Ă©lectrique est en train d'exploser partout dans le monde, et les projections sont effrayantes, comme le rapporte Le Monde en Ă©voquant le dernier rapport du Shift Project, la structure menĂ©e notamment par Jean-Marc Jancovici :

    "Selon les calculs de ce think tank français Ɠuvrant pour la dĂ©carbonation, la consommation Ă©lectrique des data centers mondiaux pourrait atteindre 1 250 Ă  1 500 tĂ©rawattheures (TWh) en 2030 contre 530 TWh en 2023, soit un potentiel triplement. Ce bond spectaculaire est en trĂšs grande partie nourri par l’essor rapide de l’intelligence artificielle (IA), qui reprĂ©sentera de 35 % Ă  55 % de la consommation Ă©lectrique de ces centres de donnĂ©es, selon le rapport, contre 15 % aujourd’hui.

    Si tous les programmes liĂ©s aux 109 milliards d’euros d’investissements annoncĂ©s au Sommet de l’IA de Paris en fĂ©vrier arrivaient Ă  pleine capacitĂ©, la consommation des data centers pourrait monter jusqu’à environ 45 TWh en 2035, contre environ 12 TWh aujourd’hui, avance le Shift Project."


    Ce qui, pour rappel, amĂšne Altman a dire qu'il lui faudra la fusion nuclĂ©aire pour maintenir ses objectifs ; je croyais qu'une requĂȘte ChatGPT ça consommait que dalle, Sam ?
  • Il y a l'Ă©lectricitĂ©, et puis il y a l'eau. Sur ce point aussi, on manque de donnĂ©es claires. Mais des signaux faibles clignotent partout, des grands lacs amĂ©ricains aux terres plus sĂšches du Mexique.
  • Il y a enfin le bĂąti, pour lequel je trouve intĂ©ressant de noter ce graphique, qui montre que pour la premiĂšre fois de l'histoire, est construit aux États-Unis plus de bĂątiments privĂ©s liĂ©s aux data-centers et Ă  la fabrication de composants Ă©lectroniques que de bĂątiments dĂ©diĂ©s au commerce, et bientĂŽt plus que de bĂątiments de bureaux...C'est le timing qui est particuliĂšrement intĂ©ressant : le boom n'intervient pas au moment ou juste aprĂšs la pĂ©riode du covid, qui a Ă©tĂ© un gros boost pour les activitĂ©s en ligne, de Netflix Ă  l'adoption Ă  grande Ă©chelle des appels en visio. Non, il intervient plus tard, en 2022, au moment de l'avĂšnement des premiers modĂšles d'IA gĂ©nĂ©rative grand public.

    Voilà qui est sûrement un hasard.
The AI boom is leaving a mark on non-housing construction outlays. Source : ASR Ltd / LSEG Datastream

Voilà, la prochaine fois qu'un de vos proches utilise l'argument miteux selon lequel "non mais ChatGPT ça consomme beaucoup moins que de regarder un film sur Netflix", vous aurez des arguments et des sources pour lui dire poliment de retourner parler à des vrais gens plutÎt que de demander à son assistant IA quoi bouffer ce midi.

Au pire des cas, vous pouvez aussi lui partager cette vidéo trÚs drÎle en provenance de chez Urbania.

L'IA se glisse partout, mĂȘme lĂ  oĂč on ne l'attend (vraiment) pas

On vient de le voir, les usages de l'IA font exploser tous les compteurs. Et on comprend pourquoi quand on constate Ă  quel point l'IA, notamment gĂ©nĂ©rative, se glisse absolument partout, mais dans des endroits oĂč on ne s'attendrait pas un instant Ă  la voir.

Évoquons ainsi une anecdote rigolote (mais nĂ©anmoins tristement rĂ©vĂ©latrice) qui est arrivĂ©e Ă  un collĂšgue de la sphĂšre low-tech : Jacques Tiberi, le rĂ©dac'chef du Low-Tech Journal ! Difficile de faire moins low-tech que l'IA gĂ©nĂ©rative, et pourtant...

Je laisse Jacques vous raconter ça :

"Vous ne l'avez peut-ĂȘtre pas remarquĂ© mais, une des photos publiĂ©es dans le n°21 du magazine a Ă©tĂ© retouchĂ©e par I.A. Si, si ! Et pas qu'un peu ! En ouvrant le magazine fraĂźchement sorti des rotatives, Mathilde, notre graphiste, a eu un choc : la photo du Soleil Journal (dans le dĂ©pliant en triptyque)... Ă©tait pleine de ces zigouigouis caractĂ©ristiques des images gĂ©nĂ©rĂ©es par I.A ! Enfer et damnation.
Image montrant du texte modifié automatiquement par l'IA avant l'impression dans le numéro 21 du Low-Tech Journal
Pourtant, cette photo a Ă©tĂ© prise par nos amis de l'Atelier 21 qui n'ont rien Ă  se reprocher de ce cĂŽtĂ©... Alors, comment ce fait-ce ??? AprĂšs enquĂȘte, il s'avĂšre que Indesign (logiciel Adobe sur lequel nous crĂ©ons le mag) nous a I.AckĂ© Ă  l'insu de notre plein grĂ©, s'autorisant Ă  retravailler cette photo - un peu petite pour le format - sans qu'on lui ai demandĂ© quoique ce soit ! Ils veulent que tout soit liiiiisssse ! Alors, ils mettent de l'IA pour tout rendre bien parfaiiiit. Et, comme la machine ne sait pas reproduire les lettres, on se retrouve avec ce gloubiboulga en spirales."


Laissez nous tranquille, en fait !

Bref : si la low-tech (concept dont j'ai parlé souvent dans ses lignes) vous intéresse, n'hésitez d'ailleurs pas à vous inscrire à la newsletter du Low-Tech Journal (scrollez tout en bas de la page ;), ou bien à vous abonner à leur super magazine papier !

À noter, en bonus :

  • un rĂ©cent papier Ă©crit pour mon projet Lowreka par Jacques Ă  propos d'un "tĂ©lĂ©phone minimal", le MP02 de Punkt.
  • et, puisqu'on parle de tĂ©lĂ©phonie, mon post de lundi sur le super "forfait engagĂ©" de TeleCoop đŸ€—


Voilà, c'est tout pour ce numéro 19, et c'est déjà pas mal !

On se retrouve bientÎt pour un 20Úme numéro de Tales From The Tech.

D'ici là, n'hésitez pas à partager le format autour de vous, cela me ferait trÚs plaisir. Et à me faire part de vos retours.

Vous pouvez le faire en commentant l'article sur tftt.ghost.io, ou directement via mes différents réseaux.

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Merci Ă  toutes et tous,

Thomas ✊

PS : Tales from the Tech est garanti sans IA générative, pas sans fautes