TFTT #15 – Si même les punks à chien utilisent ChatGPT… 🐕 🐈

Ce mois-ci dans Tales from the Tech, vous trouverez :
- Un Édito qui parlera d'IA générative sur les réseaux sociaux #starterpacks
- Ce mois-ci, pas de Grand Format, mais quelques conseils… téléphoniques !
- L'actu tech en bref, featuring Katy Perry
- Et une Reco à vous faire perdre la boule

Si une nouvelle tendance IA de 💩 sort chaque semaine, je ne vais pas finir l'année
Ces dernières semaines auront peut-être été les plus révélatrices de la situation dans laquelle nous mettent les IA génératives. Pourquoi ? Parce que jamais auparavant ces outils, et principalement ChatGPT, n'auront été aussi visibles sur les réseaux.
De la dénaturation complète de Ghibli à l'enfer des starter packs, nous avons enchaîné les tendances hideuses et étouffantes, reprises dans la joie et la bonne humeur par des millions d'individus et d'entreprises sans l'ombre d'une hésitation.
Le plus important selon moi, pour commencer : voir un paquet de comptes "écolos" succomber à ces tendances rappelle l'importance de l'éducation à l'impact environnemental de la tech. Idem pour les comptes d'artistes, versus leurs impacts sur les droits d'auteur.ice et la culture en général.
Preuve par l'exemple : quand on voit un Aymeric Lompret, amuseur public déguisé en clodo (ou l'inverse, je ne sais plus, mais sachez qu'il me fait beaucoup rire, là n'est pas la question) poster un "starter pack" de Retailleau, tout le problème est bien résumé.
Oui, le post est drôle. Oui, le visuel est ironiquement "mignon" et tape juste. Ça fonctionne. Mais au-delà du raz-de-marée insupportable de posts similaires, quel est l'intérêt réel d'utiliser autant d'énergie et de nourrir des mécaniques qui pillent les artistes partout dans le monde, de nourrir des entreprises qui se moquent de nos vies… tout ça pour une vanne ? Que Lompret était assez foutraquement créatif pour produire autrement ?
Si même les punks à chien utilisent ChatGPT, on ne va pas s’en sortir, hein. Capsule, reviens-ici ! 🐶
J’évoque ici les problèmes concrets que posent ces tendances à base d’IA, alors parlons chiffres. Car, si j'ai déjà beaucoup parlé d'impact (notamment environnemental) de l'IA sur TFTT, plusieurs publications récentes illustrent encore à merveille la problématique.
Commençons par Le Monde, qui rappelait récemment l'évidence par des données on ne peut plus claires ; avec l'IA, on va tout simplement faire du x2 : "dopée par l’IA, la demande d’électricité pour les centres de données devrait plus que doubler d’ici à 2030, selon l’Agence internationale de l’énergie."
Du côté britannique, le Guardian épingle la consommation de Grok (le joujou de Musk), et c'est là aussi assez révélateur : "de nouvelles images de surveillance aérienne obtenues par le Southern Environmental Law Center ont révélé que l'entreprise d'IA de Musk, xAI, utilise 35 générateurs à méthane pour alimenter son super-ordinateur "Colossus", l'épine dorsale de son "fleuron", Grok. Cela représente 20 générateurs de plus que les 15 pour lesquels xAI a demandé un permis… et 35 de plus que ceux qu'elle a été autorisée à utiliser."

J'en profite également pour vous partager le dossier plus large et vraiment béton créé par le média Bon Pote sur l'impact environnemental du numérique. Une bonne bible à garder de côté pour vos diners mondains où d'inévitables start-up nation-enthusiast vous expliqueront que le numérique "ce n'est que 1% des émissions et encore pas en France alors franchement arrêter de nous casser les pieds y'a d'autres priorités bla bla bla". C'EST FAUX TITOUAN.
Si côté médias, le message commence à passer, du côté du gouvernement et de nos politiques, ce n'est pas le cas. La fameuse "loi de simplification" en cours de préparation faciliterait ainsi l'installation de datacenters tous azimuts, en leur attribuant un statut "d'intérêt national majeur", comme l'explique France Inter. "Plug baby plug", et tant pis pour les impacts sur notre grille énergétique déjà en PLS.
Dans le même temps, notons que la seule espèce "en danger" que cherche à défendre Clara Chappaz, la "ministre de l'IA" (😂), ce sont les pauvres petits entrepreneurs, ces opprimés, dans un nouveau post particulièrement ridicule. Chacun ses priorités.
Bref, si une nouvelle tendance IA de 💩 sort chaque semaine, je ne vais pas finir l'année, et la Planète risque de ne pas la finir dans un très bon état non plus.
Mais l'espoir n'est pas perdu, car le message se diffuse : tous les comptes qu'on pourra qualifier de "progressistes" se font reprendre de volée par leurs abonné.e.s quand ils se décident à poster du contenus ostensiblement produit par IA. C'était le cas par exemple pour ce post de Lompret que je partageais un peu plus tôt, aussi bien sur la partie environnementale que sur celle des droits d'auteur.ice.
Mais même sur des comptes tout à fait neutres, on sent un frétillement. Si je ne mets plus beaucoup les pieds sur Instagram (à part pour gérer le compte de Lowreka, on y reviendra tout à l'heure), il m'arrive d'aller à la pèche aux exemples, pour me rendre compte de l'ampleur de certains phénomènes, comme celui autour de la tendance "fake-Ghibli".
Une tendance qui pose très nettement la question du "siphonnage" du travail des artistes (comme nous l'avions évoqué dès les débuts de TFTT), en plus d'être tristement symbolique, tant Hayao Miyazaki lui-même a été vocal sur le sujet par le passé.
Quelle n'a pas été ainsi ma surprise quand j'ai constaté que même sous des posts "Ghiblisé" du FC Nantes (mon club de cœur, contre vent et marrées), pourtant habitué des montages cradingues made in AI, la résistance grondait ?

Parce que oui, sur le papier, voir Miyazaki-san dessiner des adaptations style-Ghibli de photos connues du FC Nantes historique, notamment ici avec de jeunes Desailly et Deschamps, c'est excitant. Mais si dans l'opération cela doit porter préjudice aux réel.le.s artistes copié.e.s, que cela doit participer à une tendance virale et donc insupportable par nature, tendance qui consomme une quantité gigantesque d'eau et d'énergie… et bien je peux les imaginer dans ma tête, les images. Merci bien.
Pour revenir à l’exemple des starter packs, nombre d'artistes et d'activistes ont également retourné le truc en dessinant leur propre "starter packs" sans IA, de l'influenceur écolo Gaétan Gabriele à la célèbre dessinatrice Pénélope Bagieu.

Avant que nombre de comptes, y compris d'entreprises, détournent à leur tour la tendance avec des "starterpacks IRL" créés à partir de vraies photos… jusqu'à ce que cette tendance là, aussi, me saoule parfaitement en fin de compte 😅
Voilà qui confirme une nouvelle fois l'importance de l'éducation à la tech et à ses impacts, on l'a dit. C'est grâce à ces efforts que les réactions courroucées que l'on décrivait plus haut apparaissent désormais partout sur les réseaux.
D'ailleurs, si vous voulez soutenir le boulot que je fais en ce sens sur TFTT, n'hésitez pas à soutenir mon travail ! On n'utilise pas d'IA ici, alors ça prend du temps à écrire, tout ça : https://tftt.ghost.io/#/portal/
🤗
Concluons sur un dernier point de réassurance : il est toujours bon de rappeler qu'OpenAI, la boite derrière ChatGPT, ne va pas du tout aussi bien que son actualité pourrait le laisser penser. Et que dans un contexte d'instabilité intense du côté des US de Trump, les boites américaines dans leur ensemble ne pourront peut-être plus très longtemps bénéficier d'argent magique et de dépenses venues de l'étranger pour satisfaire leur folie des grandeurs.
De là à imaginer l'effondrement de la Silicon Valley ? C'est la prospective que propose l'excellent Usbek et Rica dans son dernier numéro, que j'ai hâte de lire.

Alternatives téléphoniques 📞
Face à cette surabondance d'AI Slop, j'ai eu envie ces derniers jours de limiter mon temps passé sur les réseaux sociaux et sur mon téléphone…
Autant vous dire que ce n'est pas gagné, parce que je suis un drogué, c'est un fait. Comme tant d'entre nous. Et je me dois de préciser que ces habitudes font aussi partie intégrante de mon activité professionnelle dans la comm, ce qui ajoute une difficulté supplémentaire.
Pour autant, de par mon intérêt pour les low-tech, j'ai découvert récemment plusieurs propositions intéressantes pour nous aider à nous sevrer un peu de nos dépendances technologiques, et à rendre notre "écosystème téléphonique" plus sain. Tour d'horizon rapide.
Côté opérateur, parlons de Telecoop ! C'est un opérateur indépendant, écolo et solidaire, avec un service client basé en France et des conseils pour conserver son téléphone (et sa batterie) en bon état plus longtemps. L'entreprise propose des forfaits qui incitent à raisonner son usage de data (via des limites et des rappels) sans tomber pour autant dans le flicage pur et simple. Bonus : aucun enrichissement de milliardaire à la clé.
Côté appareils, on peut évoquer les Suisses de Punkt et leurs téléphones axés pour certains sur la téléphonie pure (messages et appels seulement), et pour d'autres sur une vision moins radicale avec une expérience belle et bien "smartphone", mais plus sécurisée et privée. Ce n'est d'ailleurs pas le seul projet à faire parler de lui dans le genre, comme ce "The Phone" imaginé par des français et dont parlait France Info il y a peu. Je reste un brin prudent pour ma part sur ce dernier, tant que le truc ne sera pas sorti de sa boîte.
Du côté de l'interface, on peut aussi évoquer Minimalist Phone, une approche différente mais pas moins intéressante puisqu'elle vous propose de garder votre téléphone actuel (Android seulement à ce stade, cela dit) et d'en faire un outil beaucoup plus simple, minimisant les usages toxiques et addictifs.
Côté application, enfin, on remarque aussi une tendance intéressante avec l'arrivée forcée de l'IA partout sur les apps Meta, dont WhatsApp. C'est ce que raconte le journaliste du Monde Corentin Lamy : "La merdification de la dernière app cool des GAFAM va-t-elle convaincre des gens de migrer vers des alternatives ? J'ai été surpris, en proposant à ma famille de troquer WhatsApp pour Signal début mars, de voir que ça n'a pas été un sujet : à la fin de la journée tout le monde avait fait le switch."
PS : personnellement, je remplacerais ici le mot "cool" par le mot "utilisable", pour parler de WhatsApp, mais vous avez l'idée !
Je commence en tout cas à utiliser Signal quotidiennement, app certes (toujours) américaine d'origine, mais développée avec un modèle bien différent. D'autres alternatives, européennes, existent aussi, comme le français Olvid (qui avait pas mal fait parler il y a quelques temps) ou le suisse Threema, intégré nativement dans certains des modèles de Punkt, d’ailleurs. Je n’ai pas encore essayé ces deux dernières apps, mais je vous tiendrais au courant le cas échéant.

Allez, finissons cette note téléphonique sur un sujet connexe : il est peu probable que vous ayez raté la dernière campagne de Back Market, le reconditionneur tech star en France. C'est normal, cette campagne tape très fort, et très juste d'un point de vue comm.
Mais : si c'est hyper positif de voir une marque bien identifiée comme celle-là mettre beaucoup de "marketing money" derrière une campagne aussi forte pour dénoncer nos habitudes de consommation délétères de la tech... il faut que les actes suivent.
Et dans les faits, en utilisant tous les codes des grandes plateformes de vente en ligne pour pousser à l'achat dans ses campagnes marketing habituelles (y compris pour les nouveaux iPhones sortant chaque année), Back Market ne remplit qu'à moitié sa mission.
Parce que, ok, acheter reconditionné, c'est mieux que d'acheter neuf. Mais si c'est pour acheter un nouvel iPhone reconditionné tous les 1, 2 ou même 3 ans, ça ne change (presque) rien du point de vue de l'impact environnemental. C'est exactement ce dont nous discutions dans le numéro 12 de TFTT, alors un petit rappel me semblait bénéfique.
Quoi qu'il en soit de la cohérence globale, la campagne ici citée donne le message clé : avez-vous vraiment besoin d'acheter un iPhone 16, ou même 15, 14, 13... quand votre iPhone d'il y a 5 ou 6 ans prendra lui aussi de belles photos de glaciers fondus ?
Comme le dit l'adage : le changement climatique se donnera à voir via des catastrophes que nous regarderons médusé.e.s sur nos smartphones... avant de les filmer nous-mêmes. Restera à savoir avec quelle génération d'iPhone 🫠


Katy Perry mérite le blâme 🚀
Comme les starterpacks, vous n'avez sans doute pas raté l'autre gros sujet de ces dernières semaines pour ce qui est l'opposition tech VS. écologie : Jeff Bezos qui paye un aller-retour spatial (de quelques secondes) à Katy Perry. Une opération de "récupération féministe" doublé d'une inconséquence environnementale claire, que la principale intéressée regretterait depuis paraît-il… mais pas pour les raisons que vous imaginez.
Mais ce n'est pas vraiment de ça dont je veux vous parler : j'ai été plutôt étonné de voir dans la sphère des grandes figures écolos françaises, que je connais bien et dont j'apprécie le travail dans la grande majorité des cas, une certaine répugnance à critiquer le geste de Perry.
Parce que, vous comprenez, rien ne servirait de critiquer les gestes individuels, de toute façon peu utiles sans grands mouvements collectifs et sans réactions des entreprises et surtout des gouvernements... Je vous donne un exemple ici, désolé pour Gabriel dont j'aime le travail par ailleurs.
Personnellement, j'en ai MARRE de cet argument, et pour plusieurs raisons :
- Déjà, il va falloir arrêter de prendre les gens pour des débiles : on peut blâmer le comportement de Katy Perry (qui est partie en cacahuète complet et est aussi fan de son Cybertruck, rappelons-le) tout en étant tout à fait conscient.e que le problème derrière, c'est le techno-capitalisme qui a engendré des figures comme Bezos, Musk et consorts
- Accessoirement, Katy Perry n'est pas exactement n'importe qui. Un grand pouvoir (ou un grand nombre de followers) = de grandes responsabilités, bla bla bla 🕸
- Et puis, oui, les comportements individuels ont un poids, preuve en est le départ prématuré de Musk de son DOGE parce que les chiffres de ventes de Tesla sont catastrophiques partout, notamment à cause de ses prises de position fascistes et anti-Europe. Il en va de même sur l'écologie, où nos choix combinés peuvent évidemment avoir un impact majeur. On peut dire cela et savoir que le problème vient plus de Jeff Bezos que de vous restant 2 minutes de trop sous la douche.

La low-tech, une approche techno-critique
Si la low-tech n'est pas technophobe contrairement à certains clichés (low-tech ≠ no-tech), elle est pleinement techno-critique. C'est aussi pour cela que la démarche me parle beaucoup et que j'ai décidé de rejoindre le projet Lowreka.
D'ailleurs, je vais, dans le cadre de cette activité, commencer à produire des contenus techno-critique. Cela a été le cas récemment avec un article de blog doublé d'un post Instagram qui a eu plutôt du succès. Alors n'hésitez pas à suivre le travail que l'ont fait avec l'équipe sur ces différents canaux 🤗
Encore plus de brèves
- La célèbre série Black Mirror est de retour, une nouvelle fois sous l'égide de Netflix (les saisons made in UK me manquent). En parlant de britanniques, le Guardian vient de se fendre d'un excellent article sur le sujet : le "pessimism porn" de Black Mirror ne nous mènera pas à un futur plus radieux. Je dirais même l'inverse, si l’on voit ce que la dark SF des années 90 à contribuer à produire comme imaginaires chez les Musk ou Bezos.
- 4Chan a disparu dans l'indifférence presque générale, et c'est une excellente nouvelle.
- Liberté d'expression seulement quand tu dis des trucs qui m'arrangent, épisode 2347 : le New York Times vient de montrer dans une étude que les influenceurs d’extrême droite les plus en vue de TwiXter ont quasiment perdu leur reach dès qu'ils se sont mis à critiquer les décisions de Musk. Une nouvelle preuve de la manipulation de l'algorithme de la plateforme non pas à l'avantage de Trump, mais à l'avantage de Musk, avant tout.

Blue Prince 🎮
Si vous aimez les mystères vaporeux et vous creuser les méninges en solo ou à deux, je ne peux que vous conseiller de jeter un œil au très étonnant jeu vidéo Blue Prince.
Nous l'avons terminé à deux cerveaux il y a quelques jours avec ma compagne, et ce fut une expérience unique, pour elle (rarement joueuse) comme pour moi (plutôt gros joueur). Un manoir de 45 pièces à explorer, pour trouver la 46ème… Des pièces qui changent de place tous les jours, où chaque détail compte, où les puzzles sont partout…
Blue Prince est une merveille qui pourra frustrer tant il est intransigeant sur son gameplay et répétitif dans sa formule au bout d'un certain nombre d'heure. Nous l'avons "fini" en 25h environ, mais le mot finir ne colle pas vraiment, tant l'expérience semble ne pas s'arrêter là.
Pourtant... on va s'arrêter là, pour ne pas devenir zinzin. Mais je sais que, dans quelques mois, quelqu'un, quelque part, sortira une vidéo de 4h pour détailler tous les secrets du manoir et… on la regardera !
Blue Prince, un jeu aussi fascinant que frustrant, mais surtout un truc absolument unique que je conseille à toutes celles et tous ceux qui aiment se gratter la tête devant des énigmes.

Voilà, c'est tout pour ce mois d'avril, et c’est déjà pas mal !
On se retrouve en mai pour un 16ème numéro de Tales From The Tech.
D'ici là, n'hésitez pas à partager le format autour de vous, cela me ferait très plaisir. Et à me faire part de vos retours. Vous pouvez le faire en commentant l'article sur tftt.ghost.io, ou directement via mes différents réseaux.
Vous souhaitez soutenir TFTT ? Vous le pouvez, désormais ! Consultez vos abonnements sur la plateforme ou faites un don ponctuel.
Merci à toutes et tous,
Thomas ✊